Roussel Cyril

Cyril Roussel

Contact

  • Bâtiment A5 (MSHS)
  • 5 rue Théodore Lefebvre TSA 21103 F 86073 POITIERS CEDEX 9
  • cyr.roussel72[at]gmail.com

Chercheur CNRS

Je travaille depuis 1997 sur le Moyen-Orient. Je m’intéresse depuis longtemps aux rapports entre identité et territoire en particulier en contexte communautaire (Druzes en Syrie, Kurdes en Irak et en Syrie), mais aussi aux effets de limites et de discontinuités (frontières culturelles) et aux acteurs de la migration dans des rapports de domination politique et de marginalisation socio-politico-économique. Depuis la crise des réfugiés irakiens (2005-2009), je travaille essentiellement sur les transformations des espaces frontaliers et des espaces urbains au Moyen-Orient en rapport avec la circulation accrue des populations et des marchandises – circuits légaux et illégaux. Je m’intéresse surtout aux reconfigurations socio-spatiales des territoires frontaliers et communautaires que connait le Moyen-Orient depuis l’effondrement des Etats irakiens et syriens.

La relation entre les processus de construction territoriale, la circulation migratoire et le fait communautaire constitue le fil directeur de mes recherches au Moyen-Orient. Mon travail se situe aux frontières de la géographie sociale et culturelle, de la géographie régionale et de l’analyse spatiale, ainsi que de la géographie des migrations et de la géographie du politique. J’ai adopté une démarche pluridisciplinaire pour comprendre la complexité des organisations socio-spatiales qui, à rebours des constructions étatiques et des frontières nationales, dessinent des territoires souvent invisibles mais dans lesquels des groupes se projettent, circulent et vivent. Ma thèse de géographie (« L’espace communautaire des Druzes du Sud de la Syrie : des stratégies de création d’un territoire à celles de la mobilité ») qui a donné lieu à la publication d’un ouvrage (2011) cherche à comprendre la production territoriale d’une communauté confessionnelle qui, pour survivre, a dû se construire un territoire refuge puis l’élargir par des migrations. Depuis, je m’intéresse aux processus de constructions territoriales et en particulier aux dynamiques et reconfigurations des espaces frontaliers en lien avec les conflits armés qui en sont parfois à l’origine. J’ai ainsi réorienté mes travaux de recherche sur les réfugiés irakiens en Syrie (2007-2008) et les circulations à la frontière syro-turque (depuis 2009). Dans le cadre d’un contrat de 4 ans à l’Ifpo comme chercheur, j’ai poursuivi mes recherches sur de nouveaux terrains : d’abord le Kurdistan irakien et les territoires disputés entre Erbil/Baghdad. Mais aussi le Kurdistan syrien qui rejoint parfaitement mes questionnements sur les reconfigurations territoriales en période de conflit. Et enfin l’espace transfrontalier syro-jordanien qui émerge dans le contexte du conflit syrien et qui pose des questions liées à la gestion de la frontière, des réfugiés, à la présence de combattants de l’armée libre et d’ONG islamiques qui sont impliqués dans le conflit. Je travaille à partir de l’étude des circulations transfrontalières, qui, au Moyen-Orient, demeurent liées au contexte géopolitique prégnant et à des frontières qui ne tiennent généralement pas compte ni de l’implantation, ni du fonctionnement en réseau des groupes communautaires qui vivent dans cette région. C’est dans ce contexte conflictuel que j’ai orienté mes recherches afin de mieux comprendre les flux de migrants et de marchandises à l’échelle du Moyen-Orient et leurs effets sur l’émergence de territoires culturels, économiques et/ou politiques en marge d’Etats affaiblis où les frontières nationales ne jouent plus leur rôle de filtre.

Le Moyen-Orient est devenu un espace de conflit où s’affrontent Etats voisins et groupes armés divers. L’affaiblissement des Etats de la région rend les frontières plus perméables. De nouveaux acteurs parviennent même à prendre possession de territoires entiers situés généralement en périphérie des Etats, dans des zones frontalières, créant – parfois temporairement – de facto des « proto-Etats » (Kurdistan-s irakien et syrien ; Etat islamique). Mes recherches en cours visent à comprendre le fonctionnement des espaces produits par ces nouveaux acteurs mais aussi les stratégies de tous ceux qui jouent de ces territoires pour reconstruire des circulations migratoires et marchandes nouvelles ou réactivées dans un Moyen-Orient en conflit et en pleine recomposition. En analysant finement les modes de circulation des populations qui pratiquent le cross border, les lieux de passage et de convergence, mais aussi les routes empruntées, nous pensons mieux comprendre les processus d’intégration régionale qui en découlent (échelle régionale), mais aussi les processus de construction de territoires nouveaux en marges des Etats affaiblis par la guerre (échelle locale). C’est cette nouvelle organisation spatiale que je cherche à étudier.

Publications



55 documents

Articles dans une revue

  • Cyril Roussel. L'Irak : le devenir d'un pays en pénurie d'eau. Les carnets de l'Ifpo. La recherche en train de se faire à l'Institut français du Proche-Orient, 2024. ⟨halshs-04364549⟩
  • Cyril Roussel, Nelly Martin. L'Irak : crise de l'eau, crise migratoire ?. Microscoop : Un regard sur les laboratoires en Centre Limousin Poitou-Charentes (CNRS), 2023, Hors Série n° 23, pp.20-21. ⟨halshs-04371356v2⟩
  • Cyril Roussel. Où se cache l’habitat social à Erbil (Kurdistan d'Irak) ?. Naqd, Revue d'études et de critique sociale, 2021, ⟨10.3917/naqd.038.0193⟩. ⟨halshs-03502111⟩
  • Cyril Roussel, Tehem Tehem. « Pause pédagogique en Irak et en Syrie ». e-migrinter, 2021, Varia, 21. ⟨halshs-03502096⟩
  • Cyril Roussel. Erbil à l'horizon 2030 : un développement urbain remis en question ? (2). Les carnets de l'Ifpo. La recherche en train de se faire à l'Institut français du Proche-Orient, 2021. ⟨halshs-03508918⟩
  • Cyril Roussel. Où se cache l’habitat social à Erbil (Kurdistan d’Irak) ?. Naqd, Revue d'études et de critique sociale, 2021, Les politiques de logement social au Maghreb/Machrek et dans le Sud Global, 38-39, pp.193-203. ⟨10.3917/naqd.038.0193⟩. ⟨halshs-03508927⟩
  • Cyril Roussel. Erbil à l'horizon 2030 : un développement urbain remis en question ? (1). Les carnets de l'Ifpo. La recherche en train de se faire à l'Institut français du Proche-Orient, 2021. ⟨halshs-03508909⟩
  • Cyril Roussel. Le Kurdistan entre divisions et rêve d'unité. Questions internationales, 2020. ⟨halshs-03046908⟩
  • Cyril Roussel, Aimad Hesso. Les défis sociétaux et économiques de la Fédération démocratique du Nord-Syrie. Moyen-Orient, 2019, 41, pp.50-55. ⟨halshs-02948260⟩
  • Cyril Roussel. Irak et Kurdistan d'Irak : la problématique de la frontière interne et les enjeux du contrôle territorial. Égypte Soudan mondes arabes, 2018. ⟨halshs-02950131⟩
  • Aimad Hesso, Cyril Roussel. Les alliances des Kurdes de Syrie : un jeu de dupe ? . Moyen-Orient, 2017. ⟨halshs-03539540⟩
  • Aimad Hesso, Cyril Roussel. Quel territoire pour les Kurdes dans le conflit syrien ?. Carto, le monde en cartes, 2017. ⟨halshs-02950863⟩
  • Véronique Bontemps, Cyril Roussel, Philippe Bourmaud. Frontières et circulations au Moyen-Orient (Machrek/Turquie). L'Espace Politique, 2016, 2015-3 (27), ⟨10.4000/espacepolitique.3563⟩. ⟨halshs-02061128⟩
  • Cyril Roussel. Comment gérer le conflit syrien depuis la Jordanie ?. Outre-terre. Revue européenne de géopolitique, 2015, 44 (3), pp.226. ⟨10.3917/oute1.044.0226⟩. ⟨halshs-03542445⟩
  • Cyril Roussel. Le Kurdistan d’Irak, un espace de redéploiement des circuits commerciaux entre Turquie et Iran. Les Cahiers d'EMAM, 2015, 26, ⟨10.4000/emam.1035⟩. ⟨halshs-02513281⟩
  • Cyril Roussel. Nettoyage ethnique, déplacements de populations et repeuplement dans le gouvernorat de Nineva (Mossoul - Nord Irak) à l’heure de l’Etat islamique. Outre-terre. Revue européenne de géopolitique, 2015, Daech : Menace sur les civilisations, 44, pp.250-262. ⟨10.3917/oute1.044.0250⟩. ⟨halshs-03542436⟩
  • Cyril Roussel. La frontière syro-jordanienne dans le conflit syrien : enjeux sécuritaires, gestion frontalière. L'Espace Politique, 2015, Frontières et circulations au Moyen-Orient (Machrek/Turquie), 27, ⟨10.4000/espacepolitique.3658⟩. ⟨hal-04028829⟩
  • Cyril Roussel. Les Kurdes de Syrie et le projet du Rojava : rêve éphémère ou espoir durable ?. Maghreb-Machrek, 2014, 222 (4), pp.75-97. ⟨10.3917/machr.222.0075⟩. ⟨halshs-02513278⟩
  • Cyril Roussel. La construction d'un territoire kurde en Syrie : un processus en cours. Maghreb-Machrek, 2012, N° 213 (3), pp.83-98. ⟨10.3917/machr.213.0083⟩. ⟨hal-04038774⟩
  • Cyril Roussel. Les migrations internationales de travail en Jordanie. Les carnets de l'Ifpo. La recherche en train de se faire à l'Institut français du Proche-Orient, 2012. ⟨hal-04037363⟩
  • Cyril Roussel. Migrations et réfugiés au Proche-Orient et au Soudan - Introduction. Revue Géographique de l'Est, 2009, 49 (4), ⟨10.4000/rge.1968⟩. ⟨hal-04031602⟩
  • Cyril Roussel. Jeramana, voisine de Damas : le devenir d’une ville réceptacle de réfugiés irakiens . Revue Géographique de l'Est, 2009, Migrations et réfugiés au Proche-Orient et au Soudan, 49 (4), pp.16. ⟨halshs-01280513⟩
  • Cyril Roussel. La frontière communautaire entre druzes et sunnites en Syrie : une fragmentation socio-spatiale instrumentée par le pouvoir politique. EchoGéo, 2009, 8, 13 p. ⟨halshs-00431681⟩
  • Cyril Roussel. L'agriculture dans la montagne druze (Syrie) entre clientélisme, blocages communautaires et libéralisation économique : un développement durable pour le paysans druze ?. Géocarrefour - Revue de géographie de Lyon, 2008, 83 (3), pp.213-223. ⟨halshs-00431511⟩
  • Cyril Roussel. VILLES ET BOURGS EN SYRIE MERIDIONALE : LES DYNAMIQUES COMMUNAUTAIRES. Cahier du Gremamo, 2007, 19, pp.121-148. ⟨halshs-00351706⟩
  • Cyril Roussel. L'interface des grandes familles druzes entre local et national. Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée, 2006, 115-116, pp.135-153. ⟨halshs-00352301⟩
  • Cyril Roussel. Sultan el-Attrach, un symbole identitaire entre iconographie officielle et communautaire. Villes et Territoires du Moyen-Orient, 2006, 2, 18 p. ⟨halshs-00431704⟩
  • Cyril Roussel. Désenclavement et mondialisation : les réseaux migratoires familiaux des Druzes du sud syrien. Revue Européenne des Migrations Internationales, 2003, 19 (3), pp.263-283. ⟨halshs-00352277⟩
  • Cyril Roussel. Désenclavement et mondialisation : les réseaux migratoires familiaux des Druzes du sud syrien. Revue Européenne des Migrations Internationales, 2003, 19 (3), pp.263-283. ⟨halshs-00005314⟩
  • Cyril Roussel. Les réseaux migratoires des entrepreneurs druzes de sweida. Bulletin d'Etudes Orientales, 2003, LV, pp.209-224. ⟨halshs-00260008⟩
  • Cyril Roussel. Les réseaux migratoires des entrepreneurs druzes de Sweida : formation d'une nouvelle élite foncière et affirmation d'un pouvoir économique alternatif à l'Etat. Bulletin d'Etudes Orientales, 2003, pp.209-224. ⟨halshs-00005313⟩

Communications dans un congrès

  • Olivier Clochard, Brenda Le Bigot, Nelly Robin, Cyril Roussel. Préparer son terrain de recherche. Séminaire doctoral Migrinter, MSHS, Jan 2019, Poitiers, France. ⟨halshs-02533972⟩
  • Cyril Roussel, Roman Stadnicki. Des images pour construire, déconstruire et reconstruire les villes du Moyen-Orient : Les cas du Koweït et des régions kurdes d'Irak et de Syrie. CIST2018 - Représenter les territoires / Representing territories, Collège international des sciences territoriales (CIST), Mar 2018, Rouen, France. pp.299-303. ⟨hal-01854525⟩
  • Cyril Roussel. Communauté et mobilité : les "nouveaux refuges" des Druzes de Syrie. Communauté et mobilité : les « nouveaux refuges » des Druzes de Syrie., 2004, Budapest, France. pp.313-326. ⟨halshs-00260068⟩
  • Cyril Roussel. Distance sociale et communautaire : la nécessité d'enjamber les frontières ?. Distance sociale et communautaire : la nécessité d'enjamber les frontières ?, 2003, Poitiers, France. pp.425-437. ⟨halshs-00353063⟩
  • Cyril Roussel. La montagne druze comme espace communautaire : une identité et un territoire borné. Les territoires de la communauté druze de Syrie, 2001, Poitiers, France. pp.213-224. ⟨halshs-00353068⟩

Ouvrages (y compris édition critique et traduction)


Chapitres d'ouvrage

  • Cyril Roussel. "Rainbow Street" The Diversity, Compartmentalization and Assertion of Youth in Amman (Jordan). Manchester University Press. Arab youths Leisure, culture and politics from Morocco to Yemen, Manchester University Press, pp.368, 2023, 978-1-5261-2747-1. ⟨halshs-04365412⟩
  • Cyril Roussel. Erbil. B. Florin, A. Madoeuf, O. Sanmartin, R. Stadnicki, F. Troin,. Abécédaire de la ville au Maghreb et au Moyen-Orient, PUFR,, 2020. ⟨halshs-03047036⟩
  • Cyril Roussel. Mossoul. B. Florin; A. Madoeuf; O. Sanmartin; R. Stadnicki; F. Troin. Abécédaire de la ville au Maghreb et au Moyen-Orient, PUFR, 2020, 978-2-86906-750-9. ⟨halshs-03047072⟩
  • Cyril Roussel. Communautés. Bénédicte Florin; Anna Madoeuf; Olivier Sanmartin; Roman Stadnicki; Florence Troin. Abécédaire de la ville au Maghreb et au Moyen-Orient, Presses universitaires François Rabelais, 2020, 978-2-86906-750-9. ⟨halshs-03087096⟩
  • Cyril Roussel. L'exil des Kurdes d'Iran, de Syrie et de Turquie au Kurdistan d'Irak.. Penser les migrations pour repenser la société, 2020. ⟨halshs-02948096⟩
  • Kamel Doraï, Cyril Roussel. Crises des Etats au Moyen-Orient. Conflits, circulations et migrations forcées. CNRS Editions. Migrations en Méditerranée : Permanences et mutations à l'heure des révolutions et des crises, pp.113-124, 2015. ⟨halshs-01529347⟩
  • Elisabeth Longuenesse, Cyril Roussel. Retour sur une expérience historique : la crise syrienne en perspective. Elisabeth Longuenesse, Cyril Roussel. Développer en Syrie: Retour sur une expérience historique, Presses de l'Ifpo, 240 p., 2014, Cahiers de l'Ifpo 8, 978-2-35159-402-5. ⟨halshs-00881263⟩
  • Myriam Ababsa, Cyril Roussel, M. Dbiyat. Le territoire syrien entre intégration nationale et métropolisation renforcée. La Syrie au présent. Reflets d'une société, Actes Sud, pp.37-77, 2007. ⟨halshs-00343686⟩
  • Cyril Roussel, A. Guédez, H. Rakoto. La montagne druze comme espace communautaire : une identité et un territoire borné. Représentations de l'environnement et construction des territoires : dialogue des disciplines, ICOTEM, 2005. ⟨halshs-00005342⟩
  • Cyril Roussel, Samuel Arlaud, Y. Jean, Dominique Royoux. Distance sociale et communautaire : la nécessité d'enjamber les frontières ?. Rural-Urbain. Nouveaux liens, nouvelles frontières, Presses universitaires de Rennes, pp.425-437, 2005, 978-2-7535-0036-5. ⟨halshs-00005341⟩

Traduction

  • Cyril Roussel. Conflits et migration depuis l'Irak : la construction d'une vie en exil dans les méandres d'une Histoire dramatique.. 2021. ⟨halshs-03508941⟩

Autres publications

  • Cyril Roussel. La gestion des populations en déplacement dans un Moyen-Orient en conflit. 2019. ⟨halshs-02948911⟩
  • Cyril Roussel. Les migrations internationales de travail en Jordanie (1/3) . 2012. ⟨halshs-00714301⟩

Rapports

  • Barah Mikaïl, Cyril Roussel. Les minorités en Syrie. Réalités et avenir. [Rapport de recherche] Fondation pour la recherche stratégique. 2018. ⟨halshs-02948931⟩

Images

  • Cyril Roussel. Camp de Zaatari - 2 Installation des nouvelles tentes. Zaatari, Jordan. 2012. ⟨hal-04021213⟩
  • Cyril Roussel. Camp de Zaatari - 1 Vue ensemble construction du camp. Zaatari, Jordan. 2012. ⟨hal-04020906⟩

Vidéos

  • Cyril Roussel. Retourner à Mossoul pour les déplacés de la guerre contre l'Etat islamique ? Enjeux et blocages. 2022. ⟨hal-04389127⟩
  • Cyril Roussel. Les blocages du retour à Mossoul. 2022. ⟨hal-04390103⟩

Rigoni Isabelle

Rigoni Isabelle

Contact

  • Bâtiment A5 (MSHS)
  • 5 rue Théodore Lefebvre TSA 21103 F 86073 POITIERS CEDEX 9
  • isabelle.rigoni[at]inshea.fr

Spécialité et Situation administrative

Maître de conférences en sociologie, INS HEA, Suresnes

Chercheure au GRHAPES

2016-17 : en délégation au CNRS (Centre Émile Durkheim), Bordeaux

Chercheure associée :Migrinter (Migrations internationales, espaces et sociétés) à l’Université de Poitiers, MICA (Média, Information, Communication, Art) à l’Université Bordeaux 3

Thèmes de recherche

Mes travaux de recherche portent sur les modes de participation et de représentation des immigrés et des minorités ethniques dans plusieurs champs : médiatique, associatif, scolaire et extra-scolaire.

Cursus académique

Titulaire d’un doctorat en sociologie politique, mes domaines d’activités concernent

  • Sociologie des migrations internationales et des mobilités transnationales
  • Sociologie des médias : représentations, production
  • Sociologie de l’action collective et des mouvements sociaux
  • Sociologie politique : espaces publics, cultures politiques
  • Méthodologie qualitative en sciences sociales (enquête de terrain, observation participante, entretien qualitatif, méthodes visuelles)

Participations à des programmes de recherche

  • 2016-18 : projet EDUCINCLU ‘Accueillir, scolariser et accompagner les élèves primo-arrivants. Les professionnels du champ éducatif face aux enjeux de l’inclusion’ (avec M. Armagnague) (financement IRES). EA Grhapes, INS HEA.
  • 2015-18 : projet ALTERECOLE ‘Les dynamiques territoriales et scolaires dans la construction de l’altérité : élèves migrants, itinérants et autres « outsiders » dans les espaces sociaux-scolaires segmentés’ (avec Claire Schiff, Joëlle Perroton) (financement Région Aquitaine). Centre Émile Durkheim, UMR 5116
  • 2015-17 : projet EVASCOL ‘Evaluation de la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (EFIV)’ (avec Maïtena Armagnague) (financement Défenseur des droits). EA Grhapes, INS HEA.
  • 2015-16 : projet SAJE ‘L’expérience éducative et Scolaire et la construction de l’Altérité des Jeunesses et Enfances minorisées’ (avec Cédric Audebert, Maïtena Armagnague) (financement MSHS de Poitiers). MIGRINTER (Migrations Internationales, Espaces et Sociétés), UMR 7301
  • 2014-17 : projet MIGRITI sur la participation socio-scolaire des enfants primo-arrivants, roms et du voyage (avec M. Armagnague, C. Cossée, S. Tersigni) (financement UPL). EA Grhapes, INS HEA.
  • 2006-10 : lauréate du concours projets d’excellence de l’UE (6e PCRDT). Conception et réalisation du projet européen MINORITYMEDIA accueilli par le laboratoire MIGRINTER, à l’Université de Poitiers. Direction d’une équipe internationale et pluridisciplinaire composée de 7 chercheurs permanents et de 2 chercheurs temporaires. La recherche portait sur l’étude des médias des minorités ethniques dans 8 pays européens (Allemagne, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Turquie).
  • 2004-05 : lauréate de la bourse post-doctorale du Centre International d’Etudes et de Recherches sur l’Allemagne (CIERA). Accueil au Centre Marc Bloch (Berlin).
  • 2003-04 : lauréate d’une bourse de réintégration Marie Curie de l’UE (6e PCRDT). Accueil au laboratoire Genre, Travail, Mobilités (GTM, devenu CRESPPA).
  • 2001-03 : lauréate d’une bourse post-doctorale Marie Curie de l’UE (6e PCRDT). Accueil au Centre for Research in Ethnic Relations (CRER) (University of Warwick).

Responsabilités administratives, scientifiques et pédagogiques

Je suis qualifiée aux fonctions de maître de conférences (MCF) par le Centre National des Universités (CNU) en :*science politique (section 04),* sociologie (section 19),sciences de l’information et de la communication (section 71).
Thèmes d’enseignements : communication et inclusion ; les théories et enjeux de la communication ; la sociologie des médias ; les migrations internationales ; la sociologie et l’anthropologie urbaines ; la sociologie des mouvements sociaux ; les relations internationales ; études politiques ; les institutions européennes ; les méthodes d’enquête qualitative.

Lieux d’enseignements réguliers : INS HEA (2013-), Sciences Po Bordeaux (2012-15), INSEEC Bordeaux (2011-13), Université de Poitiers (2006-10), Université d’Evry (1998-2001), Université Paris 8 (1996-2001).

Lieux d’enseignements ponctuels : IUT Bordeaux 3 (2006-07 ; 2012-), IISMM-EHESS (2006), Université de Genève (2004), University of Warwick (2001-03), Université Ibn Zohr d’Agadir (2012), Université Marc Bloch à Strasbourg (2002-03).

Publications

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Expertises

Je suis experte pour la Commission européenne (programme Marie Sklodowska Curie).
J’ai mené des missions d’expertise pour des agences de recherche (Agence nationale de la Recherche, Paris ; Wiener Wissenschafts-, Forschungs- und Technologiefonds, Vienne) ; des think tank (Institute for Strategic Dialogue, Londres ; Ergo Advisors, New York) ; des fondations et ONGs (Anna Lindh Foundation for Dialogue between Culture, Alexandrie ; Institut Panos Paris).

Billet de terrain #6

Deux arts en Migration : la danse et la poterie, entre ici et là-bas

Par Anaël Lété (diplômée du Master 2 Migrations Internationales de l’Université de Poitiers/UMR 7301 Migrinter), actuellement étudiante à Lille en Master 2 Gestion des organismes sociaux.                        

Dans le cadre du master Migrations internationales (Université de Poitiers / Migrinter), elle a soutenu, en septembre 2020 un mémoire de fin d’étude intitulé : « Un stage associé à un terrain virtuel : enjeux autour de la création d’une association culturelle franco-burkinabé ». 

“La céramique et la danse parlent de la même chose, animer la matière par le corps tout en étant profondément ancré sur terre” (Aude Lété, céramiste)

Les pratiques artistiques et culturelles entraînent la circulation des personnes, à diverses échelles géographiques, et nourrissent dans le champ des études migratoires, le concept de transnationalisme. Art et migration peuvent se conjuguer, entre autres par le maintien de liens entre les espaces traversés et les lieux investis, habités. Nous allons ici évoquer le Burkina Faso, pays d’Afrique de l’Ouest, et deux arts, la poterie et la danse. Traditionnellement, la poterie présente des techniques de confection – à partir d’argile – dites d’objets usuels, il s’agit de créations utilitaires. Poterie car la caste des forgerons-potières fabrique des pots. Des pots pour stocker, pour transporter, eau, nourriture, huile, par exemple. « Chaque potière a trois, quatre familles [de cultivateurs] dont chaque année ils refont tous les pots […] car il faut que ce soit très poreux et propre, car au bout d’une année les canaris1 ne sont plus assez poreux pour refroidir l’eau, car c’est l’évaporation de l’eau qui fait que l’eau est fraîche »2. C’est le fruit d’une communauté. « La poterie se transmet de mère en fille »3. La poterie peut être perçue comme un savoir-faire traditionnel à valoriser, à intégrer au sein du patrimoine.

Une dimension écologique peut être avancée, car la poterie peut être vue sous le prisme de l’impact du zéro déchet. L’utilisation d’une poterie comme contenant, comme ustensile de cuisine, comme vaisselle, évite et contourne l’institution du plastique comme solution ultime, et si l’objet casse, c’est la terre qui retourne à la terre. Cependant, la mondialisation concurrence ces pratiques et le plastique et autres méthodes de conservation, de stockage, prennent de l’ampleur.

Une autre pratique artistique et culturelle : la danse. Entre tradition, « modernité » et « réappropriation », les enjeux sociaux et politiques diffèrent au fil des années, raison entre autres pour laquelle les générations récentes dansent en s’inspirant sans cesse de pas traditionnels tout en essayant de créer quelque chose de nouveau4. « D’Abidjan à Kinshasa en passant par Bobo-Dioulasso, derrière lesdites « danses du moment », se cachent des pas traditionnels »5.

La danse s’est exportée de la ruralité à la ville, et ces lieux de vie urbains et ruraux ont un impact radical sur sa pratique. La ruralité est associée aux rituels, au traditionnel, à la célébration des divinités, tandis que la ville est associée au loisir, au divertissement, aux nouvelles préoccupations estimées éloignées de celles du village d’origine. Ainsi, les danses pratiquées au sein de la communauté inspirent les citadins qui danseront dans des lieux de divertissement fermés, et non plus au cœur du village dans l’intime de l’honneur aux divinités.

La discipline présente une dynamique commerciale mais aussi érotique dans la création de nouvelles danses, à une échelle de visionnage plus large. En effet, les citadins ont propulsé la musique et la danse associées à la télévision sous le format de clips vidéo par exemple. De ce postulat-là, la danse, est art comme objet de vente et d’attraction « aguicher un public »6. L’État joue également un rôle dans la promotion des danses dites traditionnelles. Peut-on parler de volonté de préserver un certain patrimoine ? « C’est surtout l’action ou la main de l’État via le ministère de la Culture qui permet un accès large du public aux danses anciennes, communément regroupées sous le terme de folklore ou de « pratiques régionales »7. La danse au fil des années -comme par exemple les danses ivoiriennes – se voit dépassée par des nouvelles, inspirées néanmoins de leur prédécesseur, mais est qualifiée de « folklore » et sera préservée pour une démarche pécuniaire et touristique ou dans une éthique de mise en avant, de préservation, du patrimoine.

Les danseurs avec lesquels j’ai échangé8, pratiquent la danse dans une démarche de transmission. L’un des interlocuteurs habite en France, les autres danseurs interrogés résident au Burkina Faso, à Ouahigouya par exemple. Ainsi, dans ces deux pays, ils travaillent en partenariat avec le milieu scolaire, écoles de danse, et troupes de danse. Ils se produisent à petite ou grande échelle, régionale, nationale ou internationale. Certains danseurs sont griots. La danse est présente pour les évènements marquants d’une vie, lors de cérémonies, de rituels, et d’évènements culturels traditionnels. Le griot a une place dédiée au Burkina Faso et lors de ces moments de vie : il est l’élément humain de la transmission, il endosse un rôle d’historien, il raconte les ancêtres. Le griot est transmetteur de message puis il incarne la mémoire orale. Femmes et hommes peuvent être griots. Un griot, une griotte. Pour être griot9, c’est la transmission par le sang : les ancêtres au sein de la famille étaient griots. Nous sommes griots, que l’on décide de pratiquer ou non. Le griot qui accepte son rôle est attaché à une localité. Le griot transmet en parlant, en chantant, en jouant d’un instrument de musique, ou encore en dansant.

L’art, le patrimoine, la tradition, circulent au travers de savoir-faire des personnes, héritières de pratiques. Ces personnes qui à leur tour, font le choix de transmettre, véhiculent ces richesses, promeuvent et agissent pour la continuité culturelle. Quel que soit l’endroit où les individus décident de vivre, de s’installer, la culture intériorisée est une arborescence pouvant se déployer, la culture acquise, les connaissances intégrées circulent et peuvent exister.

1 Le canari est une pièce ronde de stockage d’aliments liquides ou solides, servant également à la cuisson _ les canaris peuvent se briser si on les fait tomber, mais résistent à la chaleur quand la pièce est utilisée pour cuire un aliment.
2 Propos recueillis lors d’un entretien avec Suzanne (le prénom a été modifié), enquêtée âgée de plus de soixante-dix ans, céramiste de profession. Le premier séjour de Suzanne au Burkina Faso au sein d’un village potier a eu lieu de 1982 à 1985, dans le cadre d’études de développement et d’un projet de recherche sur la transmission des savoirs (soutenance ayant eu lieu en 1990).
3 Laurent Delphine. Les potières de Tchériba. Une histoire de femmes, Revue céramique et verre, n°133, novembre/décembre, 2003, pp. 25-31
4 Comme par exemple la danse appelée Le Mapouka en Côte d’Ivoire émergeant dans les années 2 000. « À l’origine, il s’agit d’une danse de fertilité et de séduction exécutée par des femmes en pagne agitant leurs hanches au rythme des percussions ». (Koné Yaya, p. 88)
5 Page 87. Koné Yaya. « Les « Afriques modernes » ou l’art de réinventer la tradition. Une approche sociologique des danses ivoiriennes », Staps, vol. 101, n°3, 2013, pp. 81-101.
6 Page 90. Ibid.
7 Page 91. Ibid.
8 Danseurs rencontrés en distanciel dans le cadre d’entretiens pour cette courte recherche universitaire.
9 Ce petit texte est écrit au masculin, mais le choix de l’écriture inclusive aurait pu être fait.

Billet d’actualité #3

« L’isolement alimente la mort, la solidarité alimente la vie  » Kypseli (Athènes), juillet 2021.

Ce billet est un texte collectif, écrit à plusieurs mains, dont des étudiant·e·s du Master migrations internationales.

Vous pouvez également le retrouver en version anglaise en cliquant sur ce lien :

Texte collectif: « Il s’est suicidé juste pour ça ? »

Une version grecque est en cours d’écriture

 

« Il s’est suicidé juste pour ça ? »

SAHIL VIT DANS NOS CŒURS ET DANS NOS LUTTES POUR LA (RÉ)VOLUTION ET CONTRE TOUTES LES FRONTIÈRES

Nous sommes des ami·es de Sahil, chercheur·ses, journalistes, militant·es et ennemi·es féroces des politiques meurtrières des frontières. Imprégnées par une « digne rage » comme le disent si bien les Zapatistes, ces paroles sont les nôtres.  

Lundi 12 juillet 2021, nous avons appris le suicide de Sahil, dans son appartement de Patissia (Athènes). Sahil avait 24 ans et travaillait à Teleperformance. Du Jammu-et-Cachemire, en passant par l’Inde jusqu’en Europe, des politiques d’épuisement et d’asphyxie lui ont rendu la vie impossible. Sahil était un battant; il nous faisait tellement rire et prenait toujours soin des autres. Notre ami rêvait d’être un top modèle, de rencontrer l’amour. Sa mort n’est pas un accident.

Sahil, nous t’écrivons. Cela faisait plusieurs jours que tu ne nous répondais plus. Plusieurs jours que tu t’étais pendu. Évidemment, nous ne t’en voulons pas. Nous savons quels sont les (ir)responsables et les politiques qui devraient brûler dans le feu de notre rage. La police, intraitable bras armé de l’État, t’aura sali et oppressé jusque dans la mort. Devant l’immeuble où tu habitais, l’officier nous a « accueillis » en nous demandant si tu avais des « problèmes psychiatriques » :

Non, sa demande d’asile vient d’être rejetée.
Il s’est suicidé juste pour ça ?
Pas de famille, pas d’asile, pas de papiers. Il avait perdu le droit de travailler. Il ne sortait plus depuis des mois parce que la police est partout dans la rue avec les opérations « scoupa » (1) (littéralement opérations « coup de balais », qui se réfère au harcèlement policier des « sans-papiers » en Grèce, ndlr).
Juste pour ça ?

« JUSTE POUR ÇA ? ». Ces 3 mots résonnent avec une terrible violence dans nos têtes. Il vous faut plus que cela ?

L’enfermement et l’isolement progressifs dont tu as souffert, Sahil, ces dernières années, était une mort à petit feu.   D’abord piégé par les frontières nationales. Le Maire d’Athènes, Bakoyannis, promoteur des « villes accueillantes » assure que les personnes migrantes “are not stuck in Athens” (2). Pendant deux ans, tu as récolté de l’argent, des informations et du courage pour accomplir le passage de plus en plus dangereux de frontières militarisées. Sahil, même au sein de ce territoire national, d’autres frontières t’ont étouffé : certains lieux ou régions d’Athènes t’étaient tacitement interdites par le harcèlement policier et la menace des attaques fascistes qui s’y trouvaient (3). Comme tu nous le disais, ce n’est pas ta carte de demandeur d’asile qui aurait pu te protéger entre les mains de la police. Tu prenais pour autant ce risque en allant travailler tous les jours en Teleperformance au Pirée. L’enfermement par la terreur d’Etat s’est accentué lors du confinement et l’intensification du harcèlement policier. Ajoutons à cela, la violence du travail légal, exacerbée par le télé-travail. Enfermé, seul, dans ta chambre/bureau, à appeler à la chaîne 10 heures par jour avec une partie des clients qui te criaient dessus, les supérieurs qui surveillaient ta manière de leur parler, tes mots, ton ton, ta rapidité, ta productivité. Et c’est tout seul, dans ce même appartement, que tu as reçu l’appel de ton licenciement. En deux années, tu as été asphyxié.

Ajoutons, les violences institutionnelles et l’attente insoutenable d’une « régularisation » des vies, comme la tienne, considérées donc comme « irrégulières », « indésirables », « étrangères au corps national ». C’est-à-dire se battre quotidiennement pour obtenir le moindre rendez-vous ou papier. Ta vie présente et future était suspendue à des décisions longues et opaques qui bouffaient ton énergie et rongeaient tes pensées (4).

Ajoutons ta route migratoire, Sahil : la prison qu’on appelle « Centre pour demandeurs d’asile » en Serbie; les persécutions racistes allant jusqu’à la torture que t’ont fait subir plusieurs hommes indiens. Cette image d’objet sexuel, en tant que jeune homme musulman cachemiri, t’a suivi jusqu’à Athènes, dans ses rues, dans ses bus, ses commerces, etc. ; le racisme et la corruption des autorités indiennes contre lesquelles tu as dû te battre pour obtenir des papiers.

En dépit des risques, tu continuais à te soulever en dénonçant auprès de l’ONU les crimes de ces dernières contre la population du Jammu-et-Cachemire (5). Depuis les années 1930, des mouvements politiques se sont organisés pour mener le combat de l’indépendance du Jammu-et-Cachemire. Le peuple cachemiri, dont tu viens, est en effet un peuple de combattant.es et de résistant.es : d’abord contre les colons britanniques et la dynastie exogène qu’ils y avaient imposée de force, les Dogras ; puis à partir de 1947, à la suite de la scission de la région en deux entités nationales, l’une pakistanaise, l’autre indienne. Un peuple, unique et solidaire, dont on a arbitrairement décidé de la division au nom des nationalismes. La question des frontières donc, encore, au cœur de ton histoire, avant même que tu ne sois doté de conscience. Car elle préside à la destinée des Cachemiri.es cette « LoC », Line of Control, comme on appelle pudiquement le tracé, non reconnu, séparant le Pakistan de l’Inde. Et dont le nom, en lui-même, met à jour la violence d’État : « control ». Toi, Sahil, tu étais pourtant né bien après cette division originelle, consubstantielle, de la formation de l’Inde et du Pakistan, deux États souverains dont une partie de la construction nationale repose sur la négation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Or de la même façon que pour les Palestinien.nes, frères et sœurs apatrides dont il est si souvent question dans vos révoltes, naître dans un territoire « occupé » marque du sceau de la lutte la trajectoire d’un peuple tout entier.

A fortiori, la répression s’est accrue dans ta région, alors que tu n’avais pas même encore ouvert les yeux sur notre monde. Depuis 1990, c’est carrément l’état d’urgence militaire qui est en vigueur au Jammu-et-Cachemire, comme une plaie purulente, mais pas assez honteuse, sur la « démocratie » indienne. Afin de lutter contre les groupes armés actifs dans la région grâce (notamment) au soutien de l’armée pakistanaise, « l’AFSPA » (6), puisque c’est son nom, régie le quotidien des Cachemiri.es depuis plus de trente ans. Accordant les pleins pouvoirs aux militaires, il n’a en rien mis fin aux violences insurrectionnelles séparatistes. En revanche, il a entièrement déstructuré ta société. L’ONU dénonce tous les ans les « graves violations » faites à l’encontre de ton peuple, et MSF le « syndrome post-traumatique » qui toucherait près de 90% des tien.nes. Mais derrière ces mots polis et policés, c’est de la vie d’hommes et de femmes, comme toi, comme ta mère, comme tes pairs, dont il est question. Des vies brisées, car absolument aucune famille n’est épargnée par le deuil de guerre. Des vies malmenées, brinquebalées, bricolées, car tou.tes devront trancher, à un moment, entre l’enfermement à ciel ouvert au Cachemire ou la douleur de l’exil. À la mort crûe, s’ajoutent du reste les sévices, les traumatismes, la subalternisation permanente des Cachemiri.es. À l’instar du parcours de ta mère, que la violence sociale la misogynie et le patriarcat ont enfermée dans le stigmate de « femme de mauvaise vie » et amenée à se suicider, elle aussi. Et t’ont conduit toi, dans la foulée de cet arrachement affectif, au déracinement en quittant ce sol natal que vous avez tant de fierté et de bonheur à raconter.

Ce Cachemire si baroque au regard du reste de l’Inde, avec son climat tempéré, ses innombrables cours d’eau rigolant des Himalayas, ses pommes juteuses, ses noix croquantes, ses chinar (érables) emblématiques ou encore ses sommets enneigés et ses maisons en bois. Aucune de ces descriptions n’est complète si l’on y omet l’évocation systématique des délices du cuivré nun chaï (thé au sel) et du mordoré kawa (thé au safran), deux boissons emblématiques du Cachemire, ou encore des pantagruéliques wazwan, festin composé de plusieurs plats de viande et de riz dont, à vous écouter, vous tireriez toute votre force – de pair avec la foi. Cette géographie surprenante s’ajoute à votre histoire politique particulière pour constituer la singularité de votre identité. Tous deux sont d’ailleurs toujours tenus ensembles dans les récits que vous faîtes de « là-bas », comme si l’un expliquait l’autre – certain.es des tien.nes le pensent du reste, évoquant les intérêts économiques patents nichés dans les plis du conflit politique.

De cet éden, pourtant vanté dans le cinéma indien des années 1960, New Delhi a donc fait un enfer pour ses habitant.es. Entre 1990 et 2015, plus de 17 000 Cachemiri.es avaient trouvé la mort sous ce régime de « maintien de la sécurité ». Avec les répressions de 2016 et 2019, on peut sans difficulté augmenter ce chiffre de quelques milliers. Par ailleurs, plus de 8 000 personnes demeurent, à ce jour, « disparu.es ». Parti.es un matin, pour aller chercher du lait, se rendre à l’école ou prendre des nouvelles d’un.e proche arrêté.e, ils et elles ne sont jamais rentré.es. Depuis, tous les vendredis, leurs femmes, sœurs, cousines, filles, se réunissent sur la place publique de Srinagar, la capitale du Cachemire, afin de réclamer la vérité quant au sort de leurs proches. Des « Folles de Mai » argentines aux « Half-Widows » du Cachemire, l’arbitraire et la violence revêtent donc les mêmes habits : disposer des corps comme s’ils n’étaient que bouts de chair comptables, administrables, disciplinables. Car c’est ainsi que sont faits les carnages à bas bruit : de lois et de fusils. Au Cachemire, cette situation perdure depuis plus de trente ans, dans l’indifférence générale en Inde comme dans le reste du monde – et à l’image de nombreux autres conflits (que l’on veut) « oubliés (r) ».

Face à ce silence assourdissant, tes signalements répétés et inlassables Sahil, tel Sisyphe, prennent tout leur sens. Tes efforts, ta mobilisation et ta rage à faire de ce mutisme organisé un vacarme contestataire viennent rejoindre ceux de tes frères et sœurs et participent de ton identité de Cachemiri. Les mots de la lutte coulent dans votre sang. En dépit de la solitude extrême que tu as pu ressentir, ils te relient pour toujours et irrémédiablement à ta communauté ethnique d’origine, éclatée dans l’exil, mais dont les contestations rallient ses membres au Cachemire comme en diaspora, et dont tu faisais toi aussi pleinement partie.

Car loin de la résignation et de la seule affliction, les Cachemiries sont un peuple vibrant, créatif, en résistance. La litanie de leurs maux n’a ainsi d’égal que leur résilience combative et contestataire. Sahil, tu t’inscris pleinement dans la lignée de tes pairs et depuis la Grèce, ton Cachemire résonne et rayonne. Par-delà ces foutues frontières.

« Pourquoi se tuer ? Il pouvait plutôt aller en prison ? »

Notre rage brûle face à ceux et celles qui usent de la pathologisation, de l’individualisation et du jugement moral pour expliquer ton suicide. Que tu ais trouvé le courage de vivre une deuxième fois la strangulation en quelques jours et de t’en aller vers la mort, seul dans cet appartement, avec comme dernière vision tes volets clos, cela ne suffit pas. On vient, jusque dans la mort, te culpabiliser de ne pas avoir fait assez d’efforts, de ne pas t’être battu, de ne pas avoir fait le bon choix ou bien d’avoir fait le choix le plus « facile » car dans le pire des cas « tu aurais été en prison » comme nous a lâché une de tes voisines.

Jusque dans la mort, tu es soit « l’indésirable » qu’il faut contrôler, harceler, exploiter, enfermer, chasser et expulser, soit le vulnérable qu’il faut « gérer ». Sahil, tu refusais de perdre ton autonomie en étant réduit à l’étiquette de « réfugié ». Et tu savais très bien mettre des mots sur l’appel de la mort qui te travaillait depuis des années : « Tout ce que je souhaite dans la vie, je ne peux pas l’avoir, on me le refuse. » En effet, la violence n’a pas uniquement le visage de la répression mais aussi celui du bon samaritain paternaliste, à travers les politiques dites « d’intégration », la logique humanitaire et caritative. C’est toute l’hypocrisie des « programmes d’intégration » de la municipalité d’Athènes (5) « Les réfugiés ne trouvent pas de travail ? On doit leur enseigner des compétences. Ils sont apathiques ? On va les connecter aux groupes de citoyens actifs de la ville. Il faut repenser les politiques d’accueil ? Saupoudrons nos discours des mots solidarité, participation et innovation. Le tour est joué. » Un beau vernie de social washing pour désamorcer la radicalité de nos luttes.

« Les programmes d’intégration sont les trous de l’enfer du racisme systématique et du sexisme structurel. » Plateia Viktorias, Athènes. Mai 2021.

SORTIR DE L’INVISIBILISATION, FAIRE CORPS-SOLIDAIRES

En réponse à ce tableau obscure (6) que nous venons de dépeindre (invisibilisation – isolement – enfermement – criminalisation), nous continuerons à faire corps collectif contre l’oubli des nos mort.es. Nous sommes du côté de la vie, aux côtés de celles et ceux qui luttent par et pour leur vie digne et celles des autres. Nous serons à jamais les ennemi.es des politiques mortifères de l’État et du capitalisme, de celles et ceux qui les pensent, les défendent, les « mettent en œuvre » et s’engraissent de leurs chiffres d’affaires. La lutte et la résistance passent par nos réseaux d’entr’aide mutuelle. Quand la criminalisation étouffe la vie des exilé.es et des solidaires, il devient vital d’agir hors du cadre légal. Nos actions doivent être internationalistes, plurielles et solidaires.

Comme le disait Sahil : « Free Palestine – Free Kashmir. »

Ils croient nous enterrer mais ils ne savent pas que nous sommes des graines.

[30 Juillet 2021] Nous nous battons encore pour que Sahil soit enterré, qu’il ne soit plus l’enjeu d’un business de la mort. (Un deuxième texte sera nécessaire). Dans le cas où nous prenons en charge les frais d’enterrement (autour de 1000 euros), nous ajouterons à ce texte une collecte de fonds en ligne.

 

CHANSONS:

“Synora” (“Frontières”), Krav Boca Feat Andreas AtakTos : https://www.youtube.com/watch?v=nKV3gYzaBUU
“Avexitiles fones“ (“Les Voix Indélébiles“), Andreas AtakTos & PuZz MamA: https://www.youtube.com/watch?v=1B8dskfYVpk

SOURCES COMPLEMENTAIRES :

(1) En 2019, le responsable d’un syndicat policier avait comparé les réfugiés à de la « poussière » et les militants anarchistes à des « détritus ». https://www.youtube.com/watch?v=W2HDaqb85NE

(2)Intervention K. Bakoyannis, 1:06:15. From the Sea to the City. (2021, June 25). A conference of Cities for a welcoming Europe. https://www.youtube.com/watch?v=FDz07U0JDSE&ab_channel=FromSeatoCity

(3) Gardesse Camille, Guenebeaud Camille & Le Courant Stefan, BABELS, La police des migrants. Filtrer, disperser, harceler, Éditions du Passager clandestin, 2019.

(4) « Asylum seekers facing rejection in Greece: ‘We cannot clap with one hand’ » : https://www.infomigrants.net/en/post/33636/asylum-seekers-facing-rejection-in-greece-we-cannot-clap-with-one-hand?fbclid=IwAR229SwinJdPF9_cxhcGahmvu5tv5_pBUXP-UgFuBJ6eoacpR-B4gg5-zxM

(5) *Avant 1947, le Jammu-et-Cachemire était un Etat princier dont le territoire était partagé entre les actuelles République islamique du Pakistan et Union indienne. A l’indépendance, il a été divisé en deux entités dans la foulée de la première guerre indo-pakistanaise de 1948 – trois autres suivront en 1965, 1971 et 1999, ainsi qu’une montée des tensions en 2019.

De nos jours, la partie indienne est composée du Jammu-et-Cachemire et du Ladakh, et celle pakistanaise, du Gilgit-Baltistan et de l’Azad-Cachemire.

(6) *Armed Forces (Special Powers) Act+ référence récente : https://www.hrw.org/news/2020/08/04/india-abuses-persist-jammu-and-kashmir

(7) Curing the Limbo, financé par l’Union Européenne et la ville d’Athènes, « is an inclusive integration initiative to help refugees and the underprivileged to move from apathy to motivation, create strong bonds with the local communities, acquire new skills, solve local problems together with active citizens, improve the quality of life in the neighborhoods and build self-confidence and self-respect, qualities essential for their development as responsible people and citizens in society. » UIA, https://www.uia-initiative.eu/fr/uia-cities/athens

(8) « Nouvelle menace d’évacuation du Notara 26 – Solidarité contre les ténèbres », 17 avril 2021, https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=2059929527480316&id=645186555621294

Les représentations des migrations #6 Sauver des vies en méditerranée

La séance #6 du séminaire « Les représentations des migrations » du Jeudi 7 Octobre 2021, s’intitule « Sauver des vies en Méditerranée ».

  • la 6ème séance du séminaire Les représentations des migrations de 14 h 00 à 17h 00 avec Arnaud Banos (géographe, directeur de Recherche CNRS), Antoine Laurent (Marin sauveteur) et Maud Veith (photographe)
  • puis à partir de 18 h 00 à 20 h 00 à la maison des étudiants (MDE), visite de l’exposition Ils arrivent pieds nus par la mer de Maud Veith
Affiche de l'exposition du 7 octobre 2021 - Ils arrivent nus par la mer.
Affiche de l’exposition
Présentation d’Antoine Laurent
Présentation de Maud Veith
Maud Veith
Présentation de Arnaud Banos
Arnaud Banos
Antoine Laurent
Antoine Laurent
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