L’exposition Migrations en images présentée à l’UFR SHA

L’exposition « migrations en images » sera présentée en 2023 à l’UFR Sciences Humaines et Arts, université de Poitiers :

du 18 janvier au 28 février en centre-ville, Bâtiment E18, niveau 4, espace d’exposition de l’UFR SHA, 8 rue René Descartes, Poitiers. Une inauguration est prévue le jeudi 26 janvier à 18h.du 1er mars au 14 avril, sur le campus, bâtiment A4, 3 rue Théodore Lefevbre, Poitiers.

L’exposition « Migrations en images » propose un ensemble de cartes, photographies, dessins et croquis commentés et issus de recherches des membres du laboratoire Migrinter (Unité mixte de recherche du CNRS et de l’université de Poitiers). À partir d’une multitude de terrains, l’exposition a pour objectif de restituer au fil des années des résultats d’enquêtes, de séjours d’études et d’observations effectués autour de parcours migratoires – parfois complexes – d’enfants et d’adultes, de territoires frontaliers, de situations éphémères, d’espaces urbains et ruraux marqués par ces diverses expériences migratoires.

Après une première exposition en 2019, Migrinter propose, une deuxième vague pour cette exposition, avec le concours de la commission Culture et Vie associative de l’UFR SHA.

Espace d’exposition de l’UFR SHA

Parcourir l’exposition virtuelle de 2022/2023

Parcourir l’exposition virtuelle de 2019/2020

Publications de l’Observatoire de la Migration de Mineurs

Logo de l’OMM
 
 
La fin de l’année 2022 approche, temps de vous partager les dernières productions de l’Observatoire de la Migration de Mineurs (et de jeunes), projet créé en 2014 au sein du laboratoire Migrinter. 
N’hésitez pas à faire circuler ces productions, surtout dans l’intérêt et reconnaissance du travail et de la parole des jeunes que nous accompagnons. 
 
 
– Le clip de la belle chanson Y a du bon y a du mauvais’ (sous-titré en EN et ES) produite en collaboration avec Alpha Records 86 : https://www.youtube.com/watch?v=vSFDHhxH9bE 
 
– Le livre en téléchargement gratuit ‘Mi Vida- Mon combat‘ (en FR) et un entretien vidéo de la très touchante jeune auteure comorienne Soiyarta Attoumani : https://o-m-m.org/index.php/2022/12/05/publication-de-mi-vida-mon-combat-de-soiyarta-attoumani/ 
 
– La vidéo (sous-titres en FR à activer sur Youtube) présentant le réseau d’accueil citoyen du Puerto de Santa Maria au sud de l’Espagne. Une belle image du partage solidaire entre personnes locales et jeunes migrants, surtout marocains: https://www.youtube.com/watch?v=Azq0be0ZYlo&t=18s 
 
– La video (en FR) de présentation du livre ‘Sur le chemin de mes rêves’ (Dacres éditions, 2022) du jeune auteur camerounais Baba Fotso Toukam Junior (a.k.a. Luciano Tanger 997), basé à Saint Sebastien, en Espagne : https://www.youtube.com/watch?v=Fkz4IjA4pEo&t=51s 

Soutenance de Thèse de Lucie BACON

*** english bellow ***

 

Cher-e-s toutes et tous,

 

Je suis heureuse de vous annoncer la soutenance de ma thèse de doctorat en géographie intitulée :

 

La fabrique du parcours migratoire sur la route des Balkans

Co-construction des récits et écritures (carto)graphiques

 

Cette soutenance est l’aboutissement d’une recherche menée depuis octobre 2014, sous la direction de Nelly Robin et Pierre Sintès.

 

Elle aura lieu le lundi 12 décembre 2022, à 14h30, dans la Salle des Conférences, à la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de Poitiers.

 

La soutenance sera suivie d’un pot. Pour une meilleure organisation, merci de me faire part de votre présence (ici).

 

Pour celles et ceux qui ne pourront pas se déplacer, voici le lien pour y assister à distance si vous le souhaitez : 

 

Numéro de la réunion (code d’accès) : 2730 612 0096

Mot de passe de la réunion : CMtJNyaj653

 

Le jury est composé de :

 

Sébastien Caquard, Professeur des Universités, géographe (Université Concordia)


Frédéric Piantoni, Maître de conférences, géographe, Habiter (Université de Reims Champagne-Ardenne)

Nelly Robin, Directrice de recherche, géographe, Ceped (IRD-Paris Cité)


Cyril Roussel, Chargé de recherche, géographe, Migrinter (CNRS-Université de Poitiers)

Lakhdar Sais, Professeur des Universités, HDR, informaticien, Cril (CNRS-Université d’Artois)

Pierre Sintès, Maître de conférences, HDR, géographe, Telemme (CNRS-Université d’Aix-Marseille)

 

Résumé

 

Cette thèse de géographie analyse le parcours migratoire sur la route des Balkans, à la lumière de la parole des migrants, par la médiation du récit migratoire. Dans un contexte d’externalisation du contrôle des flux migratoires vers l’Union européenne, je propose de placer l’expérience du déplacement au cœur de l’analyse, afin de répondre à la question suivante : comment les migrants parviennent-ils à parcourir la route des Balkans, un espace où les États, par l’intermédiaire d’outils de contrôle, tentent de les interrompre ? Ainsi cette recherche questionne le déterminisme politique sur lequel se fonde cette externalisation, qui repose sur l’idée sous-jacente que le contrôle façonnerait les choix des migrants, et par voie de conséquence, hypothèquerait l’accomplissement de leurs parcours. À l’inverse, je soutiens la thèse selon laquelle le parcours migratoire relève d’une fabrique : les migrants parviennent à construire la continuité de leur parcours, là où le politique tente d’introduire des ruptures. Ce questionnement est posé dans une période qui constitue un temps fort de l’histoire de la route des Balkans : de septembre 2015 à fin août 2016, au moment de ladite « crise migratoire », lorsque l’intensité des flux migratoires est sans précédent dans la région (près de 900 000 migrants enregistrés selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) et lorsque les États des Balkans instaurent un dispositif politique inédit dans la région, le « corridor ». En accordant une place centrale à la parole des migrants, cette recherche contribue à la compréhension du parcours migratoire et à l’enrichissement de sa conceptualisation. Elle participe aussi aux réflexions éthiques développées autour de l’approche biographique. Enfin, elle place au centre de l’écriture scientifique une diversité de (carto)graphies. En cela, elle réaffirme la portée heuristique de ces outils qui constituent les points de départ et d’aboutissement du travail du géographe.

 

Au plaisir de vous y retrouver,

 

Lucie Bacon

 

***

 

Dear everyone,

 

I am pleased to tell you that I will defend my PhD thesis in Geography, entitled :

 

Crafting the migratory journey on the Balkan route

The co-construction of narratives and (carto)graphic texts

 

This is the result of long-term research, conducted since October 2014, under the supervision of Nelly Robin and Pierre Sintès.

 

It will take place on Monday, 12th of December 2022, at 2:30 pm, in the Conference Room, at the Maison des Sciences de l’Homme et de la Société, in Poitiers (France).

 

This presentation will be followed by a drink; for a better organization, please let me know about your presence (here).

 

For those who can’t come to Poitiers, here is the link to access videoconference :

 

Meeting Number : 2730 612 0096

Meeting Password : CMtJNyaj653

 

The jury is composed of :

 

Sébastien Caquard, Professor, Geographer (University of Concordia)


Frédéric Piantoni, Lecturer, Geographer, Habiter (University of Reims Champagne-Ardenne)

Nelly Robin, Research Director, Geographer, Ceped (IRD-Paris Cité)


Cyril Roussel, Research Fellow, Geographer, Migrinter (CNRS-University of Poitiers)

Lakhdar Sais, Professor, HDR, Computer science, Cril (CNRS-University of Artois)

Pierre Sintès, Lecturer, HDR, Geographer, Telemme (CNRS-University of Aix-Marseille)

 

Abstract

 

This Phd thesis in geography analyses the migratory journey on the Balkan route, in the light of the migrants’ words, mediated by migration narratives. Whilst the European Union outsources the control of the migration flows entering its space, I propose to locate the experience of displacement at the core of the analysis, in order to answer the following question: how do migrants succeed in crossing the Balkan, a space where states attempt to interrupt them with the help of control instruments? Hence this research challenges the political determinism on which the outsourcing is based, and its underlying assumption that control shapes migrants’ choices, and consequently impedes the success of their journey. On the opposite I argue that a migratory journey is the outcome of a craft : migrants manage to maintain the continuity of their journey, despite the introduction of ruptures by the political. This question is raised at a milestone of the Balkan route’s history: from September 2015 to end of August 2016, at the period of the so-called “migratory crisis”, a moment of unprecedented migratory flows’ intensity in in the region (900,000 migrants registered according to the UNHCR) and of enforcement of a unique political apparatus by the Balkan states: the “corridor”. By bringing front the migrants’ words, this research contributes to a deeper understanding and a further conceptualisation of the migratory journey. It participates too to the ethical reflections around the biographical approach. Finally it centres a diversity of (carto)graphies in scientific writing. In that sense, it reaffirms the heuristic scope of visual tools, which constitute the starting point as much as the outcome of a geographer’s work.

 

Looking forward to seeing you there,

 

Lucie Bacon

 

Rôle des réseaux d’hospitalité dans la (re)construction d’une vie ordinaire en France

Actes vidéos en ligne des journées d’étude des 13-14 mai à Poitiers de Migration Positive

 
 
L’intégralité des présentations de la journée du 13 mai 2022 est sur la chaine UPTV de l’Université de Poitiers : https://uptv.univ-poitiers.fr/program/migration-positive/index.html 
 
Un résumé de 30 minutes des échanges et discussions lors des trois tables rondes dans lesquelles ont participé des représentants de réseaux de hospitalité et solidarité de six territoires français se trouve sur la chaine Youtube Migration Positive : https://www.youtube.com/watch?v=6l8L3q6kQuc&t=69s
 
Autres vidéos de la journée du 14 mai :
 
– Intervention d’ouverture d’Evangeline Masson-Diez: https://www.youtube.com/watch?v=QlQGrXmnLGc&t=10s
– Intervention musicale de Joseph- La voix des opprimés: https://www.youtube.com/watch?v=c2ptPWPT9hk&t=258s 
 
Les Journées d’études sur le « Rôle des réseaux d’hospitalité dans la (re)construction d’une vie ordinaire en France » qui ont eu lieu à Poitiers les 13-14 mai dernier se déroulent dans le cadre du du projet Migration Positive, cofinancé par le programme CPER-INSECT, Migrinter, et la Fondation de l’Université de Poitiers.
 
Elles sont coordonnées par Daniel Senovilla Hernández,
IR CNRS- MIGRINTER- Université de Poitiers
 
Plus d’infos : 
Observatoire de la Migration de Mineurs- OMM
Entretiens video Migration Positive: https://o-m-m.org/index.php/2021/04/26/entretiens-filmes/ 
Podcasts Migration Positive: https://o-m-m.org/index.php/2021/04/26/serie-de-podcasts-sur-lexperience-mutuelle-de-lhospitalite/ 

Sortie de JMM #6

L’équipe de la revue Jeunes et Mineurs en Mobilité (JMM) a le plaisir de vous annoncer la publication en ligne du n° 6 de la revue intitulé “Les espaces d’apprentissage et de formation des jeunesses en migration” et coordonné par deux doctorant.e.s du laboratoire Migrinter : Lydie Déaux et Benjamin Naintré. 
 
Les six articles que compte ce dossier invitent à requestionner nos conceptions de la formation et de l’apprentissage à l’aune de la multiplicité et de l’ambivalence des situations personnelles, familiales et administratives qui caractérisent les jeunesses migrantes. Si l’école en est le lieu clé, nous proposons néanmoins de déplacer notre regard sur les espaces “hors-cadre” et de considérer comment l’institution scolaire est amenée, parfois malgré elle, à interagir avec d’autres espaces, temps et instances de socialisation privilégiés par les jeunes et leur entourage, ce qui n’est pas sans effet sur leurs parcours et leurs aspirations. 
 
Vous pouvez dès à présent et sans modération aller visiter le site de l’OMM (l’Observatoire de la Migration des Mineurs) pour accéder aux différentes parties du numéro : https://o-m-m.org/index.php/2021/12/06/jmm-no-6/
Il est aussi possible de le télécharger dans sa totalité via ce lien (format pdf) : http://o-m-m.org/wp-content/uploads/2021/12/JMM6-vdef-1.pdf
 
A diffuser, plus que jamais, dans vos réseaux !
Lydie Déaux et Benjamin Naintré pour la revue Jeunes et Mineurs en Mobilité (JMM)
 

Sortie de e-Migrinter #22

E-migrinter innove avec son premier numéro varia accessible sur la plateforme open-edition. S’y « rencontrent » des articles de différents horizons, issus du séminaire organisé par le Réseau Migration en 2017, ou inscrits dans la continuité du numéro 21 de la revue publié en 2020 « Famille et migration ». Dans ces articles scientifiques, mais aussi à travers les autres rubriques (note de lecture, vie du laboratoire), la thématique de la parole des migrant·es et des discours sur les migrations s’illustre finalement comme un fil rouge, à suivre en parcourant ce numéro.

Ont collaboré à ce numéro :
Brenda Le Bigot***, Tony Rublon*, Lydie Déaux*, Carole Tardif**, Jordan Pinel, Camille de Vulpillières, Jose Manuel Gomez Lozano, Calvin Minfegue, Nelly Martin
[* Secrétaire de rédaction, ** Assistante d’édition, *** Rédactrice en chef].

Couverture du n°22 – Crédits : Dessin : Mélina Vigneron. Infographie : e-migrinter 2020, Nelly Martin 2021.

Migration Positive – Vidéos et podcasts à regarder

Vous pouvez trouver sur le site de l’OMM une série d’entretiens vidéo avec des jeunes migrants et personnes solidaires que nous avons réalisé dans le cadre du projet Migration Positive porté par le laboratoire Migrinter et l’Observatoire de la Migration de Mineurs et cofinancé par le programme CPER INSECT.
Ces jeunes et ces personnes nous parlent des aspects positifs de leur expérience migratoire (ou de l’hospitalité), de leurs accomplissements, de leur rêves et des messages qu’ils souhaitent passer à d’autres jeunes ou personnes solidaires.
Ces entretiens filmés sont aussi sur la chaine Youtube du projet Migration Positive:
Vous pouvez aussi consulter une série de podcast que nous avons produit autour de l’expérience mutuelle de la solidarité.
D’autres productions du projet (ouvrage illustré, clip Migration positive, etc.) seront diffusées dans les semaines et mois à venir (restez connecté-e-s !) sur le nouveau site de l’OMM
En vous souhaitant un bon visionage et une bonne écoute,
Louis Fernier et Daniel Senovilla

Montmorillon 2022 – Migrations en images

L’exposition « Migrations en images » sera présentée au festival « Printemps des cartes » qui se tiendra à Montmorillon (Vienne) du 19 au 22 mai 2022.

Elle est visible Salle Marcel Prouteau, la Préface (Point Accueil de la Cité de l’Écrit et des Métiers du Livre), 3 rue Bernard Harent (accessible aussi depuis le 8 rue Champien), 86500 Montmorillon.

Elle propose un ensemble de cartes, photographies, dessins et croquis commentés et issus de recherches des membres du laboratoire. À partir d’une multitude de terrains, l’exposition a pour objectif de restituer au fil des années des résultats d’enquêtes, de séjours d’études et d’observations effectués autour de différentes situations migratoires comme des parcours parfois complexes d’enfants et d’adultes, des espaces frontaliers en tension, des occupations éphémères de lieux, des espaces urbains et ruraux marqués diverses expériences migratoires.

Après deux ans de report de la troisième édition du Printemps des cartes, lié à la crise sanitaire, le laboratoire Migrinter est heureux de vous retrouver pour vous présenter la deuxième édition de l’exposition « Migrations en images », constituée de 11 nouveaux panneaux.

Contact : nelly.martin@univ-poitiers.fr

Hommage à Michelle Guillon-Gattegno

Michelle et Carmen: de Buenos Aires à La Rochelle

Michelle Guillon
Michelle Guillon

Michelle Guillon était une universitaire respectée et aimée. Mais pour moi, elle était ma plus vieille amie, une enfant arrivée comme moi à Buenos Aires sur un bateau français. Elle, après la Libération, moi, à un mois d’âge, en octobre 1939. Entre ces deux émigrations, la guerre maudite, pour elle une réalité d’autant plus dramatique qu’elle était juive, pour moi un drame mis en scène tous les jours par la parole de mes parents et les républicains espagnols de notre famille élargie. Dans nos deux cas, la France était à la fois un idéal et une trahison. Nous nous sommes rencontrées dans une salle de classe du Collège Français de Buenos Aires, où mes parents m’avaient inscrite pour que j’apprenne le français, malgré Argelès-sur-Mer, en hommage à leurs amis parisiens et aux Droits de l’Homme et du Citoyen. Dans ce Collège, l’espagnol était banni en principe. Michelle n’en savait que quelques mots, appris sur le bateau. Moi je ne maîtrisais pas encore le français. C’est de cette amitié que je veux parler ici.

C’était un jour quelconque de l’année 1946, à Buenos Aires. Juan Perón avait gagné les élections, après une campagne dont les vociférations de la rue m’avaient effrayée. Nous étions dans la classe de 10ème qui faisait suite, après le déjeuner  au « Primero Superior » du matin,  car l’école primaire argentine était obligatoire. Nous, les élèves (le Collège était mixte), avons donc appris à lire et à écrire deux fois : en espagnol les mots correspondaient aux sons, à quelques exceptions près, et les maîtresses nous donnaient un baiser si nous étions sages et appliqués ; en français c’était le contraire et les maîtresses sévissaient avec rigueur, traquant les fautes d’orthographe et les gallicismes. Nous étions donc dans la classe de français, placés par ordre de taille.  Comme j’étais la plus grande, je me trouvais au fond. La nouvelle venue, petite, un peu boulotte et les cheveux de bataille, était assise au premier rang. Elle s’appelait Michelle Gattegno. Son allure déjetée traduisait son refus, sa révolte et son désarroi. Je ne le savais pas encore, mais j’en avais l’intuition. Le mot qui me venait à l’esprit était pobrecita. Son aspect détonait dans ce Collège qui avait adopté la devise argentine, fière de son école laïque, gratuite et obligatoire résumée en un mot: la prolijidad, c’est-à-dire, la bonne tenue. Si Michelle ne se conformait pas à cet idéal, elle intervenait en classe avec pertinence, car elle était très intelligente. Elle avait un autre atout : elle était pour l’heure la seule vraie Française fraîchement arrivée de ce pays, pour moi légendaire.

Un jour, la maîtresse eut la mauvaise idée de nous faire une dictée sur la guerre (je suppose qu’il s’agissait de celle de 1914, car nos livres de français, qu’on se procurait dans un sous-sol mystérieux appelé « fournitures », dataient un peu. Celui que nous avions contenait deux choses pour moi insolites : une gravure suivie d’un texte sur les glaneuses et des vieilles photos de Verdun. Tout d’un coup, Michelle se mit à pleurer. La maîtresse arrêta net la dictée. « Quelque chose ne va pas ? ». Entre ses sanglots, elle dit qu’elle savait ce qu’était la guerre et qu’elle ne voulait pas de cette dictée. En la voyant pleurer (comportement banni au Collège), des enfants rigolèrent. Je trouvai la scène pénible et, malgré ma timidité (car je ne parlais pas encore très bien) je me levai et dis, de ma voix hispanique : « moi aussi je sais ». Michelle me jeta un regard reconnaissant et, à la récréation, elle s’approcha et m’embrassa. Depuis ce jour-là, nous fûmes inséparables. Les enfants, en nous voyant ensemble, chantaient une chanson infantile en espagnol sur la rencontre improbable d’un nain et d’un géant, pour nous tancer. Cela ne dura pas parce que je répondais par un coup de pied ou une tape. J’imposai la loi du plus fort et la paix régna dans la cour de récréation. Pour elle, je sacrifiai mon tableau d’honneur.

Le père de Michelle, Félix,  était d’origine sépharade. A Marseille il avait monté un réseau pour faire évacuer les juifs avec des faux papiers et un peu d’argent. De Gaulle le récompensa et comme il sut que M. Gattegno parlait espagnol et qu’il était très cultivé, il le nomma attaché culturel à Buenos Aires. C’était une belle affectation car, à cette époque, cette ville brillait de tous ses feux.  Ita, la mère de Michelle, née en Belgique, était juive elle aussi, mais totalement laïque. Michelle avait deux autres sœurs : Danielle, qui suivit la carrière de Chimie, partit, par amour, en Italie, et se consacra par la suite à la politique. Catherine, la cadette, fit une carrière scientifique brillante en Argentine, puis aux Êtats Unis, avant de s’installer à Paris, où elle devint une figure importante de l’astrophysique européenne. Les Gattegno étaient fiers de leurs trois filles à juste titre. Comme elles étaient toutes les trois de petit gabarit, on les appelait, avec affection, « las Gatteñitas ». Quand son affectation diplomatique prit fin, Félix Gattegno décida de rester à Buenos Aires et d’ouvrir une Librairie française. Ce fut Galatea, à deux pas de l’université de Buenos Aires, un foyer culturel important. Je lui dois, entre autres choses qui ont marqué mon enfance, de m’avoir recommandé un livre qui faisait fureur en France, « Tristes Tropiques », d’un certain Lévi-Strauss. Cet auteur me fascina et c’est pour suivre son séminaire que je suis retournée en France en 1964 et j’y suis restée.

Mais revenons à notre enfance. Parallèlement à mes amis, fils comme moi de républicains espagnols, avec lesquels les jeux consistaient à se cacher, à faire des cabrioles et à courir et crier très fort – notre énergie semblait inépuisable et de temps en temps un parent sévissait -, avec Michelle seules comptaient l’imagination et la littérature. Je ne me souviens plus comment l’idée nous est venue d’inventer un pays appelé Gestofia, « pays jeune et terre promise » selon notre devise. Gestofia avait un gouvernement duel constituée par moi-même, renommée « Generalisis » et par Michelle, « Muliñandupeli ».  A la vérité nos noms étaient beaucoup plus longs ; je les avais puisés dans un livre pour enfants en espagnol et nous les trouvions très beaux et mystérieux. Ce pays imaginaire avec sa langue (nous avions élaboré aussi un lexique), son histoire et sa géographie, venait remplir le vide que la guerre avait ouvert dans nos deux vies, puisque la France et l’Espagne, comme Gestofia, n’existaient que dans notre imagination. Avec le temps (car Gestofia se prolongea le long des cycles du primaire), nous avons crée un journal mensuel. Les textes étaient illustrés et je me chargeai des dessins car Michelle était un peu brouillonne ; elle apportait, en revanche des informations économiques sur ce pays parfait (monnaie, cultures et industries). Sa sœur cadette Catherine nous fit même un « papier » sur les animaux « gestofais » . Il y avait encore une rubrique de faits divers drôles inspirés de Buenos Aires et de sa population issue des quatre coins du monde.  Ma sœur, Michelle et moi, les Gatteñitas et parfois, une fille aînée qui nous inspirait confiance, consacrions du temps à ces rubriques. Nos parents et autres amis adultes nous achetaient des exemplaires et nous gardions les sous dans une petite boîte dont l’emplacement était secret. Gestofia connut un petit succès chez nos condisciples, ce qui nous donnait beaucoup de travail parce que les exemplaires étaient d’abord écrits à la main, puis tapés à la machine par Ita, la mère de Michelle, qui s’amusait beaucoup de ces inventions.

Probablement Gestofia serait devenue une sorte de « société secrète » s’il n’y avait pas eu l’éblouissement de la littérature, une véritable passion nous partagions, Michelle et moi. Quand je restais coucher chez les Gattegno, Michelle et moi lisions uniquement des textes en français : des poèmes, des comédies et des tragédies. Notre engouement pour la littérature nous amena à lire un pensum médiéval que Félix Gattegno conservait dans sa bibliothèque : Le roman de la rose. Cette lecture nous valut le respect de notre professeur de français de la classe de 5°. C’est alors que nous eûmes l’idée de représenter, devant des invités, chez les Gattegno,  « Le Cid » de Corneille.  Comme nous partagions une même idéologie égalitaire, il nous parut juste de nous répartir, Michelle et moi, le meilleur rôle, celui de Rodrigue. Les Gatteñitas et ma sœur Tonica, ainsi que deux ou trois copines de classe se distribuèrent les rôles secondaires. Comme le Cid changeait de voix et surtout de taille à chaque scène, cela provoquait l’hilarité des spectateurs, les parents et autres amis. L’année suivante nous décidâmes de réitérer nos prouesses théâtrales, mais cette fois-là c’est moi qui représentai l’Avare, car je trouvais très drôle de me grimer et me rouler par terre en pleurant pour ma « cassette » . Le public reconnut notre effort de mémorisation, nous n’avons jamais « perdu » un alexandrin ni une réplique, nous avions improvisé des costumes, dessiné les programmes, faits « au pochoir », une technique que mon père m’apprit. Les parents donnèrent un peu d’argent avec lequel nous avons loué des perruques. Cette fois-là la représentation eut lieu chez moi, avec un public d’Espagnols qui riaient aux éclats.

L’Avare fut notre chant du cygne. Les cours devenaient plus lourds, plus longs, il y avait du latin et de l’anglais, nous avions des tonnes de devoirs et les professeurs agitaient l’épouvantail des deux bacs. C’est à ce moment que surgit notre seule dissension : Michelle était devenue sioniste et moi j’écrivais à la main des tracts pour dire que Nasser avait raison dans l’affaire du Canal… Ce désaccord ne dura pas longtemps et nous nous sommes retrouvées dans la croyance partagée concernant le triomphe inévitable des forces productives. Michelle et moi avons passé le bachot terminal à l’Ambassade de France en Argentine. Aussitôt après les résultats, Michelle s’embarqua dans un paquebot pour retourner, seule, en France, et suivre des études à la Sorbonne. Nous nous sommes dit adieu sur le quai de la Dársena Norte, là où mes parents et moi étions arrivés en Argentine, en novembre de 1939.

Nous nous sommes retrouvées deux ans plus tard en 1958. Ma mère voulait revoir ma grand’mère, restée en Espagne, et nous sommes d’abord passées à Paris, pour voir les amis français qui nous avaient hébergés en 1939. Michelle, avec le stoïcisme qui la caractérisait, faisait la garde de nuit dans une cellule du Parti communiste, au cas où il y aurait une « descente » musclée de partisans de l’Algérie française. Indignée par la rigueur de ces camarades qui imposaient à Michelle une telle responsabilité, et impressionnée par son dénuement et sa ferveur de Pasionaria, ma mère nous emmena dans un restaurant de Montparnasse où Michelle rattrapa en deux heures des journées de faim; elle lui acheta aussi deux collants en laine parce qu’elle était jambes nues et c’était l’hiver.

Michelle eut la chance de trouver, en Jean-Claude Guillon, un magnifique compagnon. Je fis sa connaissance en 1964. Je me mariai à mon tour en 1966 dans la maison qu’André avait dans les Ardennes : Michelle était là et attendait la naissance imminente de sa fille Hélène. Comme cette maison avait été celle de la tante de Rimbaud, j’ai eu bien peur que la passion littéraire nous fasse un mauvais coup et qu’elle accouche face au « petit trou de verdure » de la vallée de l’Aisne, ce qui ne lui aurait pas trop déplu.

Puis les études reprirent leur droit, Michelle passa son agrégation dans le désordre joyeux de mai 68, tandis que moi je faisais mes premiers cours comme assistante à Nanterre, ayant comme étudiant un certain Daniel Cohn-Bendit. Nous nous sommes vues régulièrement pendant des années et je veux croire qu’en choisissant d’étudier l’immigration, Michelle avait dans un coin de sa tête la Babel du Rio de la Plata de notre enfance. À la mort de Jean-Claude – au début de ce XXIe siècle- sa mémoire, autrefois si prodigieuse, commença à flancher. Elle voulait que je l’accompagne en Italie pour revoir sa sœur Danielle, mais je n’étais pas encore remise d’un SARS (antérieur de celui qui nous a confinés tant de mois), que j’ai traîné pendant un an. Entre temps j’ai su qu’elle était dans une clinique, quelque part du côté de La Rochelle. Catherine m’a retrouvée et j’ai pu être là pour l’accompagner avec les siens au cimetière.

Michelle avait beaucoup de qualités. Rigoureuse dans ses travaux, elle était, aux dires de tous ceux qui étaient présents à ses obsèques, toujours souriante et prête à aider les plus jeunes. À cette générosité que tous ont reconnu, je voudrais ajouter une autre vertu: incapable de tricher, courageuse devant la vie, droite, et sensible, Michelle était noble, dans le sens moral de ce terme, comme le Cid de notre adolescence.

Carmen Bernand

Migrer sans entraves

 
Parution le 21 juillet 2021 dans la revue De Facto d’un numéro intitulé Migrer sans entraves, portant sur les migrations privilégiées.
 
Ce numéro est issu d’un travail de coordination scientifique collectif et pluridisciplinaire mené avec l’équipe du colloque « Des migrations internationales privilégiées » qui se tiendra les 7 & 8 décembre 2021, avec la participation de Brenda Le Bigot.
 
Page de couverture du numero “Migrer sans entraves” paru sur la revue De Facto le 21/07/2021
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