À travers le questionnement de la catégorie « migration privilégiée », ce colloque se donne pour but de comprendre les rapports de pouvoir multiples qui se nouent autour de l’accès et de l’expérience de la mobilité internationale (Cresswell 2010, Croucher 2012). Le classement des passeports selon le nombre de pays auxquels ils donnent accès sans visa (Henley Passport Index) est un exemple emblématique de critère—la nationalité—ouvrant un privilège particulier au regard de la mobilité internationale. Mais l’enjeu du colloque est de complexifier la notion de privilège, qui embrasse potentiellement toutes les dimensions de l’expérience migratoire.
Relationnel, le privilège n’existe pas « en soi », il s’apprécie au regard des positions et des revendications de différents groupes sociaux dans un contexte donné (d’échelle variable, du local au global), et au regard d’un ou plusieurs rapports de pouvoir (nationalité, classe, race, genre, sexualité, etc.). Il engage aussi une dimension subjective parfois complexe : souvent minimisé pour être mieux défendu (Ferber, 2012), convoqué pour disqualifier ou mis en avant pour se distinguer, le privilège pose la question tant de la matérialité des rapports sociaux que de leur perception. La migration internationale offre une entrée empirique particulièrement riche pour aborder la notion de privilège, puisqu’elle consiste en un changement de référentiel, qui fait varier la position de celles et ceux qui partent. Cette catégorisation évolue dans le temps (Green 2008), et en fonction de cadres politiques et juridiques variables (Fabbiano et al. 2019). Au-delà, son usage dans la pratique de l’enquête peut aussi poser question, lorsque les groupes étudiés ne se reconnaissent pas dans le qualificatif de « privilégié ».